Épisode 2 – « Les Ombres de Rockwell Beach »

« Tu plaisantes ? Je crois qu’il se passe quelque chose ici, c’est sûr. On va jouer nos cartes, et peut-être que les ombres nous montreront leur vrai visage, » répondit Francky en frappant doucement sur son tambourin, le son se mêlant au sifflement du vent.

Ils s’approchèrent de l’endroit où la rumeur disait que les ombres apparaissaient. L’atmosphère devint plus lourde, le silence plus pesant. Puis, soudainement, un mouvement dans l’eau attira l’attention de Seb.

« Là ! Tu as vu ça ? » s’exclama-t-il, son doigt pointant une forme indistincte au loin, se mouvant sur l’eau comme une silhouette noire.

Francky hocha la tête, ses mains serrant son guiro. « Ouais, je l’ai vue. On dirait bien que nos amis nocturnes sont arrivés. »

Alors qu’ils continuaient à avancer, des ombres commencèrent à se matérialiser sur le sable, formant de vagues silhouettes humaines. Elles semblaient danser, se déplacer avec une lenteur irréelle, leurs contours flous se déplaçant entre le sable et l’eau.

« Qu’est-ce que c’est que ça… ? » murmura Seb, la voix basse, fixant les ombres qui ondulaient autour d’eux.

Francky, en regardant autour de lui, se pencha légèrement vers Seb. « Ce sont eux… les ombres de Rockwell Beach. Mais pourquoi dansent-elles ? Et qu’est-ce qu’elles veulent ? »

Soudain, une des ombres s’approcha d’eux, plus distincte que les autres. Ses mouvements étaient lents, presque hypnotiques. Elle semblait vouloir communiquer, mais aucun son ne sortait.

« Peut-être qu’elles cherchent quelque chose… ou quelqu’un, » murmura Francky, les yeux fixés sur la silhouette noire.

Sans prévenir, l’ombre tendit une main vers eux, comme pour les inviter à la suivre. Elle se dirigea vers l’eau, son corps se fondant presque avec les vagues. Francky et Seb échangèrent un regard, incertains.

« On y va ? » demanda Seb, toujours sur ses gardes.

« On est là pour ça, non ? » répondit Francky avec un sourire en coin, avant de commencer à jouer un rythme lent et envoûtant sur son tambourin.

À chaque coup de tambourin, les ombres semblaient réagir, leur danse devenant plus précise, plus rythmée. Elles se mouvaient au son de la musique, comme si elles attendaient cette mélodie depuis des décennies.

« Elles dansent avec nous… Mais pourquoi ? » s’interrogea Seb, continuant à observer les mouvements gracieux des ombres.

Puis, tout devint clair : l’une des ombres, plus grande et plus imposante, se détacha des autres. Elle semblait être leur chef, celle qui menait cette étrange procession.

« C’est lui… ou elle… peu importe, c’est celui qu’on doit suivre, » déclara Francky en augmentant légèrement le rythme.

L’ombre-chef s’arrêta devant une ancienne cabane en bois, partiellement enfouie dans le sable, ses murs abîmés par le temps et les marées. Elle pointa du doigt l’entrée, invitant les Blood Brothers à pénétrer dans le bâtiment.

« Je ne sais pas pour toi, mais ça sent le piège à plein nez, » murmura Seb.

« Peut-être. Mais on est là pour découvrir ce qui se trame. Après toi, partenaire, » répondit Francky en s’avançant prudemment vers la porte.

Ils pénétrèrent dans la cabane, l’air à l’intérieur était lourd, moite. Des éclats de lune passaient à travers les fissures du toit. Au centre, une vieille boîte à musique reposait sur une table poussiéreuse.

« Qu’est-ce que c’est que ce truc ? » demanda Seb en s’approchant.

Francky s’approcha de la boîte à musique et tourna doucement la manivelle. Une douce mélodie s’en échappa, presque trop belle pour un endroit aussi sinistre.

Soudain, la cabane fut envahie par des ombres. Elles les encerclèrent, formant un cercle de silhouettes noires et dansantes.

« Seb… je crois qu’on vient de déclencher quelque chose, » murmura Francky, sentant la tension monter d’un cran.

Les ombres se mirent à danser frénétiquement autour d’eux, leurs mouvements de plus en plus rapides, comme si elles étaient en train de fêter leur libération. Mais à mesure que la danse s’intensifiait, quelque chose d’étrange se produisit. L’ombre-chef se rapprocha encore plus, tendant à nouveau une main, cette fois-ci, clairement vers Seb.

« On fait quoi maintenant ? » demanda Seb, son tambourin en main, prêt à tout.

Francky, avec un sourire calme, répondit : « On continue à jouer… jusqu’à ce qu’on découvre ce qu’elles veulent vraiment. »

Seb, le souffle court, jeta un coup d’œil à Francky, son tambourin prêt à servir autant de bouclier que d’instrument.

« Elles ne vont pas tarder à nous dire ce qu’elles veulent, » murmura Seb, une pointe de nervosité dans la voix.

Francky ne répondit pas immédiatement. Il observa les ombres, son guiro à la main, et comprit que ces êtres n’étaient pas simplement des âmes en peine. Elles étaient en colère, perdues, piégées entre deux mondes.

« J’ai une idée… » souffla Francky. Il se tourna vers Seb et lui fit un signe de tête. « Ralentis le rythme. Fais-leur entendre quelque chose de plus doux. »

Seb fronça les sourcils mais suivit les instructions, frappant son tambourin avec délicatesse. Le rythme changea, devenant plus apaisant, presque mélancolique. Les ombres, qui étaient dans un état d’agitation, commencèrent à ralentir leurs mouvements. Les silhouettes autour d’eux semblaient se calmer, leurs formes devenant plus distinctes.

L’ombre-chef se pencha légèrement en avant, comme pour écouter attentivement. Puis, d’un geste hésitant, elle tendit la main vers Francky.

« Elle essaie de communiquer… » murmura Seb, ses yeux fixant la scène avec intensité.

Francky approcha prudemment sa main de celle de l’ombre-chef, jusqu’à ce qu’un frisson glacé lui traverse le bras. Il ferma les yeux, et des images confuses commencèrent à inonder son esprit : une plage baignée de lumière, des rires, des silhouettes dansant sur le sable… et puis, le noir complet, le silence.

« Seb… elles étaient là… à une fête… une nuit de pleine lune… » dit Francky, la voix lointaine.

Seb plissa les yeux, essayant de comprendre. « Elles revivent cette soirée, encore et encore, c’est ça ? »

Francky hocha la tête, les sourcils froncés sous l’effort de la concentration. « Quelque chose s’est passé cette nuit-là. Quelque chose de terrible… Elles ne peuvent pas partir tant qu’elles n’ont pas trouvé la paix. »

« OK, alors quoi maintenant ? » demanda Seb, une pointe d’inquiétude dans la voix.

Francky inspira profondément, cherchant une idée. « Peut-être qu’on peut les aider à rejouer cette dernière soirée, pour leur permettre de finir ce qu’elles ont commencé… »

Seb hocha la tête, comprenant où Francky voulait en venir. « Une dernière fête ? Mais comment tu veux faire ça ? »

Francky se tourna vers Seb, un sourire malin aux lèvres. « On est les Blood Brothers, non ? Si quelqu’un peut faire danser les fantômes, c’est bien nous ! »

Il leva son guiro et commença à jouer un rythme entraînant, mais empreint de mélancolie. Seb joignit sa percussion, ajustant ses coups pour accompagner la mélodie de Francky. Les ombres, qui jusque-là semblaient perdues et désorientées, commencèrent à bouger au rythme de la musique.

Une à une, les silhouettes noires se mirent à danser, leurs mouvements fluides et élégants, comme si elles se souvenaient enfin de la soirée dont elles avaient été privées pendant des décennies. L’ombre-chef se rapprocha, un éclat de reconnaissance dans son regard sans visage.

« Continue comme ça, » souffla Francky à Seb, sans cesser de jouer. « Elles sont presque prêtes. »

Les ombres prirent forme peu à peu, laissant entrevoir des visages autrefois heureux, des rires perdus et des sourires évanouis. La plage, silencieuse quelques instants plus tôt, semblait soudainement animée par des souvenirs refoulés. Les vagues continuaient à se briser sur le sable, mais elles n’étaient plus le seul son dominant. La musique des Blood Brothers résonnait maintenant, réchauffant l’air froid de la nuit.

L’ombre-chef tendit de nouveau la main, cette fois vers le ciel, où la lune semblait briller de plus en plus fort. Une voix douce, à peine un murmure, s’échappa de la silhouette.

« Merci… » chuchota-t-elle, avant de s’évanouir doucement, emportée par le vent.

Une à une, les autres ombres disparurent également, laissant derrière elles une plage calme, éclairée par une lune bienveillante. Seb et Francky restèrent un moment silencieux, écoutant le bruit des vagues, l’esprit encore enveloppé dans l’étrangeté de l’instant.

« On les a aidées… » murmura Seb, presque incrédule.

Francky sourit, essuyant une goutte de sueur sur son front. « Ouais, on a fait ce qu’il fallait. Maintenant, on peut partir d’ici. »

Seb hocha la tête, jetant un dernier regard à la plage. Puis, il ramassa son tambourin et se tourna vers Francky. « T’es prêt pour la prochaine aventure ? »

Francky leva les yeux au ciel, mais un sourire étira ses lèvres. « Avec toi, mec, je suis toujours prêt. »

Les deux hommes se dirigèrent vers leur van, leurs silhouettes se détachant sur le sable, tandis que les premières lueurs de l’aube commençaient à poindre à l’horizon. Rockwell Beach était redevenue une plage comme les autres, enfin débarrassée de ses fantômes du passé.

FIN